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Pierre Mouzat

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C’est avec Pierre Mouzat que nous avons le plaisir de dialoguer aujourd’hui dans son propre atelier situé exactement au 23, rue du commandant Cottenest à Brive-la-Gaillarde. Ce sculpteur briviste, 100% corrézien, est un artiste accompli et reconnu puisque nombre de ses oeuvres ont été exposées en France et à l’étranger soit à travers des expositions éphémères, soit, de façon plus pérenne, via des galeries. Toutefois, faut-il le rappeler, son atelier n’est pas véritablement une galerie mais, concède-t-il, je suis ouvert aux curieux et aux amateurs d’art pour échanger autour de mes oeuvres, ici, présentes, ou de l’art en général.

Pierre s’attache à nous avertir qu’il comprend aisément que nombre de nos concitoyens peuvent exprimer une certaine méfiance voire une suspicion quant à l’art contemporain. Et pour cause : selon lui, une grande majorité d’oeuvres d’art ne sont rien d’autres que des usurpations ou de simples opérations financières ! Explications. On a assisté depuis les années 60 à un renouveau de l’art conceptuel soit disant inspiré des ready-mades de Marcel Duchamp. Or, si l’on analyse bien ce phénomène, on comprend que de nombreux artistes ont été créés de toutes pièces. Plus encore, c’est bien en raison de la défiscalisation des oeuvres d’art que des plus fortunés font monter sciemment les prix de certaines oeuvres afin d’obtenir une importante déduction d’impôts. De plus, on s’est rendu compte que l’art apparaît de plus en plus comme une valeur refuge pouvant résister à presque n’importe quel krach boursier. Bref, c’est placement sûr. Le problème n’est pas tant que l’art conceptuel existe ou s’apparente bel et bien à une bulle mais que ce dit art soit hégémonique et tyrannique vis-à-vis des autres courants artistiques. Enfin, l’art conceptuel, en méprisant la matérialité de la création en vient logiquement à mépriser la valeur travail, l’effort et la technique proprement dite inhérents à la notion d’art ou de savoir-faire. Ainsi, comment justifier qu’une boîte de conserve renfermant les excréments de l’artiste Piero Manzoni puisse se vendre plus de 200 000 eu ? Ou, plus encore, que le Comedian de Maurizio Cattelan, qui n’est rien d’autre qu’une banane fraîche scotchée à un mur, puisse également se vendre à plus de 100 000eu ?

On le comprend, Pierre Mouzat tient à rappeler l’héritage et l’enseignement des grands artistes comme Michel-Ange, Giacometti ou Camille Claudel.  L’ artiste doit rester humble et prendre exemple sur certains maîtres : 

« des génies, dans l’art, il y en a 2, tout au plus, par siècle ! »

La formation artistique de Pierre Mouzat, quant à elle, s’est essentiellement déroulée en deux étapes importantes. La première s’est amorcée en suivant des cours de sculpture sur bois auprès de Jean-loup Delaroche. La deuxième s’est concrétisée idéalement en réussissant l’entrée de la prestigieuse école Boulle afin d’y suivre une solide formation durant trois ans.

« C’est véritablement l’école de l’exigence et de la discipline, nous dit-il. Nous travaillions 8 heures par jour, cinq fois par semaine et rendions jusqu’à 4 dossiers par trimestre. Nos professeurs étaient des monstres en technique et en histoire de l’art. Je me souviendrai toujours de ce que disait un de mes professeurs: « ce n’est pas parce que cela ne voit pas, qu’il ne faut pas le faire ! » »

Cette formule et ce mot d’ordre, le sculpteur y pense quelque fois lorsqu’il réalise l’ossature de fer de ces futurs corps qu’ils soient humains ou animaux. Car, en effet, cet ossature disparaît dans l’oeuvre finie en bronze. Néanmoins, on réalisant l’ossature, l’artiste s’intéresse nécessairement au squelette humain ou animal en question. Pour rentrer plus avant dans la technicité, on peut dire que ses sculptures en bronze sont réalisées en plusieurs étapes. Tout d’abord l’artiste réalise la sculpture originale en plâtre avec une ossature en fer. Puis, c’est au tour de la fonderie qui va produire un moule dans lequel on va couler de la cire afin d’extraire une épreuve, appelée cire perdue, on va comprendre plus tard pourquoi. Cette même cire est ensuite retouchée par l’artiste avant d’être enrobée dans un cylindre de métal rempli de plâtre liquide. Cette opération est d’ailleurs appeler l’enrobage. Ensuite, cet enrobage contenant la cire est passé dans un four à 300 degrés. Cette opération s’appelle le décirage et a pour but de faire fondre la cire, qui est donc perdue. Ainsi, le vide désormais créé va être remplacé par du bronze en fusion à 1300°C. Enfin, on procède à la soudure, la ciselure et la patine. Et, souligne Pierre Mouzat, c’est lors de cette étape qu’est frappée le cachet de fonderie et le numéro de l’épreuve. On comprend désormais les raisons précises du coût élevé des bronzes, et ce, rien que pour la fabrication !

Le sculpteur se revendique souvent comme un sculpteur de l’équilibre car il s’est différencié de ses pairs en réalisant des oeuvres qui n’ont pas besoin de socle. Ce qui est remarquable en tous les sens du terme. C’est, en outre, une gageure car la majorité de ses créations repose sur des éléments assez fins. Cet équilibre s’obtient bien sûr en amont lors de la première étape en plâtre. Cette absence de socle fait partie de son style mais, faut-il le rappeler, son style ne se réduit pas à cette seule absence de socle! Non. Pierre Mouzat assume pleinement de mettre en lumière et en trois dimensions des corps principalement, il est vrai, mais surtout des corps décharnés, usés. D’aucuns diront morbides…Pourquoi pas? En ce sens, on paraît très éloigné du beau, de la jeunesse ou de la rondeur. Il est vrai. Cependant, l’artiste répond en toute simplicité qu’un corps qui vit ne peut s’empêcher de vieillir par définition. En outre, c’est bien à travers ce vécu, si ostensible dans ses oeuvres, que nous pouvons apprécier l’individu en lui-même. Bref, la part sombre de la vie, souvent mise de côté par la plupart d’entre nous, fait partie de notre identité car la vie reste, en son fond, tragique. Paradoxalement, accepter cette vérité, c’est accepter la vie. Comme le remarque malicieusement l’artiste : 

« une grand-mère botoxée et refaite d’un bout à l’autre reste-t-elle authentiquement une grand-mère? Quel est son rapport à la vie et à la vérité ? Vivre, c’est vieillir ! » 

La finitude, la mort et le manque nous définissent et nous rendent, paradoxalement, humain. En somme, cette négation de la vie lui donne tout son prix et sa valeur. Toutefois, Pierre Mouzat tient à rappeler qu’à travers toute sa vision et cette théorie, une oeuvre d’art doit avant tout s’apprécier émotionnellement. On n’a pas besoin d’être un savant ou un expert en histoire de l’art pour apprécier une oeuvre, et ce,  d’autant plus qu’une sculpture peut se toucher : le ressenti reste avant tout primordial car premier d’un point de vue chronologique.

C’est ainsi que s’achève notre entretien avec Pierre Mouzat riche en émotions et en échanges d’idées. Les plus curieux pourront le contacter via son site internet : www.pierre-mouzat.fr